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Institut d'Études sur le Droit et la Justice dans les sociétés Arabes

Les nouveautés dans le droit de l’investissement au Qatar

Mehdi El Harrak, Chercheur associé,

Dans la région du Golfe Persique, les économies restent peu diversifiées car fortement dépendantes des recettes énergiques issues de l’exploitation du pétrole et du gaz. Contrairement à ses voisins, le Qatar n’utilise pas encore les réglementations de contreparties économiques1pour diversifier son économie. Et deux autres lois de sa législation commerciale n’étaient pas faites pour attirer les investisseurs étrangers au point de diversifier l’économie de manière significative.

Le Qatar est actuellement en train de moderniser son droit des investissements afin de le rendre plus attractif auprès des investisseurs étrangers. Si les modifications apportées et en cours rendent effectivement tout environnement juridique attractif, il reste cependant à savoir si cela sera suffisant pour moderniser l’économie de l’Émirat, ce qui reste l’objectif premier.

En premier lieu, une nouvelle loi d’arbitrage a été adoptée en 2017. L’arbitrage est le mode alternatif de règlement des conflits du commerce international par excellence. Neutre, rapide et confidentiel, il satisfait les acteurs du commerce international. En revanche, l’exequatur de la sentence arbitrale reste tributaire des droits nationaux. En ce sens, le droit national peut être plus ou moins satisfaisant. Force est de constater qu’avant le 19 février 2017, la loi d’arbitrage au Qatar ne satisfaisait pas les investisseurs étrangers, rendant ainsi l’environnement juridique du Qatar peu attractif. Un exemple témoigne à lui seul des problèmes que l’on pouvait rencontrer jusqu’alors. Le 7 décembre 2013, le Tribunal de première instance du Qatar a refusé l’exequatur d’une sentence arbitrale rendue à Paris par la Cour internationale d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale au motif qu’elle n’était pas rendue au nom de Son Altesse l’Émir du Qatar. Cette mention est exigée par les articles 63 de la Constitution et 69 du Code de procédure civile. Étant donné que ces textes ne concernent pas explicitement les sentences arbitrales mais les jugements nationaux, les sentences arbitrales, a fortiori, prononcées à l’étranger, ne semblaient pas concernées. Néanmoins, la Cour de cassation du Qatar a interprété ces deux articles très largement. Le 12 juin 2012, cette haute juridiction avait à se prononcer sur la validité d’une sentence arbitrale rendue au Qatar. À cette occasion, elle a constaté que : « 

  • Aux termes de l’article 63 de la Constitution Qatari, l’autorité judiciaire est conférée aux actes rendus au nom de l’Emir du Qatar et selon l’Article 69 du Code de procédure civile Qatari « les jugements sont rendus et exécutés au nom de son Altesse l’Émir du Qatar » ;

  • Les textes arabes ne distinguent pas les termes « sentences arbitrales » et « jugements » ; en outre, l’article 198 du Code de procédure civile Qatari prévoit que les arbitres sont autorisés à rendre leurs sentences pour autant qu’ils ne violent pas les règles d’ordre public. »2

Il en résulte qu’une sentence arbitrale ou un jugement national sont contraires à l’ordre public qatari dès lors qu’ils ne sont pas rendus au nom de son Altesse l’Émir du Qatar. Qu’en est-il de la nouvelle loi d’arbitrage ? Confirme-t-elle ou infirme-t-elle cette mention obligatoire ? L’obligation n’est pas expressément précisée dans la nouvelle loi3 et les tribunaux devront prendre position.

En second, lieu, à l’instar de certains de ses voisins, pour ouvrir une entreprise au Qatar, un investisseur étranger est obligé de faire entrer dans le capital un national qui en détiendra, au minimum, 51%, en application d’une loi adoptée en 2014. De telles lois ont toujours le même objectif pour le pays qui les adopte. Il s’agit de conserver l’économie aux mains de ses nationaux. Or, cela n’encourage pas les investisseurs étrangers à créer des entreprises localement. Par conséquent, la diversification de l’économie s’en trouve freinée. C’est sur ce point que le gouvernement du Qatar s’est prononcé le 31 décembre 2017 en adoptant un projet de loi autorisant les étrangers à détenir 100% des parts d’une entreprise. «”Le projet de loi vise à augmenter les recettes fiscales, à protéger les investisseurs étrangers et locaux et à renforcer la position du Qatar sur les indicateurs économiques mondiaux”, selon une déclaration du ministère. »4

En guise de conclusion, nous pouvons constater que ces mesures peuvent rendre l’environnement juridique du Qatar plus attractif. Cela étant, c’est également la pratique qui doit en parallèle évoluer et cela rend l’impact de ces modifications encore difficilement appréciable.

 

1 Voir sur point, l’article « les réglementations de contreparties économiques au service de la diversification de l’économie en Arabie-Saoudite », https://iedja.org/les-reglementations-de-contreparties-economiques-au-service-de-la-diversification-de-leconomie-en-arabie-saoudite/

2 Extraits non consultables. Publiés sur https://actuarbitragealtana.wordpress.com/2014/03/31/qatar-invalidite-des-sentences-arbitrales-soumises-au-droit-qatari-non-rendues-au-nom-de-son-altesse-lemir-du-qatar/ et plus gén., voir en entier l’article « qatar : invalidité des sentences arbitrales soumises au droit qatari non rendues au nom de son altesse l’emir du qatar ». Voir également https://www.out-law.com/en/articles/2017/february/qatar-arbitration-law-introduced/


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