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Institut d'Études sur le Droit et la Justice dans les sociétés Arabes

Les réglementations de contreparties économiques au service de la diversification de l’économie en Arabie Saoudite

Mehdi El Harrak,

Le Royaume d’Arabie Saoudite est l’État le plus demandeur de contreparties économiques, ou offset1. Ces obligations légales et/ou contractuelles sont définies selon l’Accord sur les marchés publics signé sous l’égide de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), à l’article 1er, comme « toute condition ou de tout engagement qui encourage le développement local ou améliore le compte de la balance des paiements d’une Partie, tel que l’utilisation d’éléments d’origine nationale, l’octroi de licences pour des technologies, l’investissement, les échanges compensés et les actions ou prescriptions similaires ». Précisons qu’il s’agit de toutes conditions à l’octroi d’un contrat international de marché public (lequel fait suite à un appel d’offre international).

De manière générale, la pratique du commerce international nous enseigne que pour définitivement permettre la signature d’un marché public, alors que le soumissionnaire a pu valablement être sélectionné par l’entité adjudicatrice, le gouvernement de l’État acheteur va intervenir pour conditionner la signature définitive à l’acceptation de contreparties économiques, tels un transfert de technologie ou une localisation d’une partie du bien vendu. Ces contreparties économiques sont généralement demandées lors de l’attribution des marchés publics de grande ampleur (à partir de 10 millions de dollars américains) dans les secteurs stratégiques, tels que la défense nationale, l’énergie, la télécommunication ou encore les transports.

Les réglementations d’offsets sont applicables justement lorsqu’un marché public est sur le point d’être signé dans l’un de ces secteurs. Le choix de l’objectif final des contreparties économiques alors imposées est fixé par l’État acheteur. En effet, la définition de l’OMC décrit des obligations de création de valeur ajoutée. Concrètement, il s’agit pour le soumissionnaire d’investir dans l’économie nationale de l’État acheteur pour se voir attribué le marché public convoité. S’il s’y refuse, le marché public espéré lui sera refusé.

L’État acheteur a donc la possibilité d’« utiliser » les marchés publics internationaux pour développer son économie. Cela peut être pour créer des emplois, développer les autoroutes, rénover les infrastructures. Il n’est en effet pas obligatoire que ces contreparties économiques soient liées au bien vendu en exécution du marché public. Il s’agira alors de contreparties indirectes. A contrario, les contreparties peuvent être directes, autrement dit directement liées au marché public, en imposant le transfert de technologie du bien vendu ou la localisation d’une partie du bien vendu. On pourrait donc résumer la position de l’État acheteur ainsi : « Nous vous achetons vos 125 avions à la condition que vous fassiez construire les ¾ chez nous par nos propres ingénieurs ».

Le transfert de technologie est précisément le type de contreparties économiques privilégié par l’Economic Offset Committee. Cet organe public signe les contrats de contreparties économiques. Parmi ses objectifs, en utilisant le transfert de technologie, figurent, entre autres, les formations de haut niveau, la création d’emplois hautement qualifiés à destination des nationaux, la recherche, le développement et la diversification de l’économie2.

La diversification de l’économie saoudienne est donc une obligation de contreparties économiques imposée aux entreprises étrangères désireuses de signer un marché public avec l’Arabie Saoudite. Une économie dont 90 % des recettes en devises proviennent de l’or noir a un besoin vital de diversification. La législation mise en place par les autorités saoudiennes permet donc d’atteindre cet objectif lorsque, par exemple, des avions de chasse ou des T.G.V. sont sur le point d’être achetés à des entreprises étrangères.

Pays le plus demandeur de contreparties économiques dans le monde, l’Arabie Saoudite est un pays observateur à l’Accord sur le marché public évoqué plus haut. Or cet accord prévoit en son article IV-6 que « pour ce qui est des marchés couverts, une Partie, y compris ses entités contractantes, ne demandera, ne prendra en considération, n’imposera ni n’appliquera une quelconque opération de compensation. » Néanmoins, le texte prévoit en son article V un régime d’exception pour les pays en voie de développement. Cela étant, la tendance du droit international penche pour interdiction des contreparties économique, appréciées par la Commission européenne comme une « imperfection du marché »3

 

1 Dominik KIMLA, Military Offsets & In-country country Industrialisation Industrialisation Market Insight Top 20 Military Offsets Markets, Frost&Sullivan, March 2013. Disponible sur: www.frost.com/prod/servlet/cio/275947347, p. 7

2 Secteurs répertoriés par l’Offset Guidelines Quarterly Bulletin de Janvier 2018 établi par le CTO Data Service Co (CTO).

3 Directive 2009/81/EC sur “the award of contracts in the fields of defence and security”, Guidance Note Offsets Directorate General Internal Markets and Services.


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