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Institut d'Études sur le Droit et la Justice dans les sociétés Arabes

Le Maroc, prochain pays arabe à légiférer en matière de contreparties économiques ?

Mehdi El Harrak, chercheur associé

Il est désormais fréquent pour les pays importateurs de demander des contreparties économiques lorsqu’un important marché public international doit être signé avec une entreprise étrangère. Sans acceptation de ces contreparties économiques, ou offset, par le soumissionnaire étranger, le marché public ne sera pas octroyé.

Ces contreparties économiques servent en premier lieu la croissance économiques du pays acheteur à travers, par exemple, de la création d’emploi, à faible ou haute valeur ajoutée, un transfert de technologie, une localisation d’une partie du bien vendue etc…

Au Maroc, en janvier 2011, une convention couvrant « les actions de compensation industrielle que compte réaliser ce groupe [Alstom] en marge des projets Tramway (Salé, Rabat et Casablanca) et TGV (Tanger-Casablanca) qui lui ont été adjugés. L’ensemble de ces actions devraient permettre à terme, la création de plus de 700 emplois, et un niveau élevé d’exportations »1 a été signé entre Alstom et les ministères marocains concernés. Les contreparties économiques alors demandées se révélèrent, et là est leur objectif, profitables au Royaume chérifien puisqu’ils prévoyaient un grand nombre de projets conçus pour être directement profitables à l’économie nationale, comme, entre autres, des exportations de produits locaux ou encore un support à l’enseignement supérieur2.

Les pays les plus familiers des contreparties économiques, comme l’Arabie Saoudite, les Émirats Arabes Unis, l’Inde, le Brésil ou encore le Canada, utilisent les contreparties économiques pour stimuler leur activité économique au travers d’une autorité publique spécifique et d’une réglementation de contreparties économiques.

En ce sens, la Commission Compensation Industrielle et Accès aux Marchés Publics émet des propositions « pour rendre la compensation industrielle au Maroc »3 à travers ces deux instruments.

Dès lors, quelles pourraient être les retombées de la mise en place d’un arsenal rendant obligatoires les contreparties économiques pour tout marché public ?

Tout projet pouvant servir la croissance économique peut être envisageable. Les pays arabes du Golfe, dont l’économie nationale est très dépendante des rentes gazières et pétrolières, font appel aux contreparties économiques pour diversifier leur économie alors qu’un pays comme le Canada préférera principalement la création d’emplois pour ses nationaux.

Ces dernières années, le gouvernement marocain a manifesté sa volonté d’accroître ses échanges commerciaux avec le continent africain. Les contreparties économiques pourraient pleinement s’inscrire dans cet objectif. Lorsque le soumissionnaire sélectionné par l’entité adjudicatrice marocaine est également exportateur en Afrique, les demandes de contreparties indirectes pourront s’inscrire dans cet objectif gouvernemental.

De même que les pays arabes du Golfe, demandent des projets diversifiant leur économie, le Maroc pourrait demander à ce que le soumissionnaire finance ou soutienne des projets commerciaux marocains au sein du continent africain. En effet, il est fréquent qu’un pays importateur demande, comme contreparties économiques, d’inclure ses entreprises nationales parmi les sous-traitants participant à fabrication du bien vendu. Dans le cas du Maroc, les contreparties économiques pourraient, entre autres obligations, imposer d’inclure les entreprises marocaines parmi les sous-traitants participant à la fabrication des biens exportés en Afrique par le soumissionnaire.

Le succès des contreparties économiques obtenues suite aux marchés octroyés à Alstom et l’intensification des relations commerciales avec l’Afrique annoncent-ils une prochaine réglementation marocaine des contreparties économiques ? Ceci est envisageable d’autant plus que les revues spécialisées constatent qu’en 2018, les soumissionnaires sont encouragés à inclure des propositions de projets de contreparties économiques dans leur réponse à l’appel d’offre4.

 

1 Guide d’information de la CGEM, « Compensation industrielle », p. 26 (http://www.cgem.ma/upload/1819186980.pdf)

2 Id.

3 Ibid., p. 29.

4 Voir par exemple, CTO Data Service Co, The Offset Guidelines Quarterly Bulletin, Janvier 2018, p. 189.


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