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Institut d'Études sur le Droit et la Justice dans les sociétés Arabes

Aide juridictionnelle et accès à la justice au Liban

Sara Razai, chargée d’études

Le droit libanais reconnaît le principe d’égalité d’accès à la justice et aux institutions judiciaires. Certains dispositions impliquent une aide juridictionnelle pour les justiciables qui manquent de ressources. Alors qu’en principe il existe un droit d’accès aux tribunaux – droit fondamental et inconditionnel- un certain nombre d’obstacles empêche sa réalisation en pratique.

En théorie, les dispositions qui se rapportent à l’accès à la justice sont conformes aux standards internationaux en la matière et la plupart des projets de reforme de la justice en font un point d’orgue. Ces standards et principes ont été affirmés par des lois (cf : infra). L’Association du Barreau libanais, les acteurs de la société civile ont d’ailleurs eu une importance cruciale dans l’adoption de ces lois. Cependant, de la même façon qu’en Egypte, une législation unifiée sur l’accès à la justice et au système judiciaire reste à être créée1.

 

Les instruments internationaux

En vertu de l’article 2 du Code de procédure civile, les traités et conventions internationaux ratifiés par le Liban ont des effets dans l’ordre interne. Le Liban a ratifié la Convention internationale sur les droits civils et politiques (ICCPR) en 1976. L’article 14 de cette Convention, stipule que les personnes accusées bénéficient d’une représentation légale, disposent du droit d’être présent et de se défendre eux-mêmes, d’être avisés de leurs droits et, le cas échéant, d’une aide juridictionnelle sans frais.

 

Les lois nationales

Dans l’ordre interne, l’aide juridictionnelle dans les affaires civiles et criminelles est prévue par un statut et des lois qui permettent la mise à disposition de cette aide, y compris dans les codes de procédures2

 

Le code de procédure civile

Dans les affaires civiles, l’octroie d’une aide juridictionnelle au Liban dépend de la situation financière des parties qui la requièrent. Cependant elle peut être refusée au motif d’irrecevabilité de l’affaire. Le chapitre 7 du Code de procédure Civile libanais de 1983 crée la possibilité pour les parties de recourir à l’aide juridictionnelle3. La loi s’applique à tous les ressortissants libanais, de même que les personnes qui résident au Liban ( étant entendu qu’ils bénéficient d’un droit similaire dans leur pays d’origine) s’ils ne peuvent s’affranchir des frais du procès. Les personnes peuvent demander l’aide juridictionnelle afin de poursuivre ou se défendre en première instance et en appel4. De plus, l’aide peut être octroyée afin d’initier ou de se défendre dans une affaire. Elle peut également être demandée pour les appels uniquement5.

 

Le code de procédure pénale

Dans les affaires criminelles, le suspect ou l’accusé peut disposer d’un avocat commis d’office sans condition de situation financière. L’article 78 du Code de procédure pénale amendé en 2001 dispose que si l’accusé n’est pas en mesure de recourir aux services d’un avocat, le juge d’instruction pourra en désigner un ou demander au barreau de le faire6. D’ordinaire c’est à la juridiction qui traite l’affaire que la demande est faite, si elle ne peut aboutir, la cour adressera une lettre au barreau ou à une ONG siégeant à Beyrouth ou Tripoli pour y répondre. Les ONG et Associations des barreaux jouent un rôle important dans l’aide juridictionnelle des réfugiés et libanais vulnérables. C’est le Comité pour l’aide juridictionnelle des associations du Barreau libanais qui est l’opérateur principal de l’aide offerte aux justiciables depuis sa création en 1993. Ce comité, sous la houlette de l’association du barreau de Beyrouth, reçoit les requêtes émanant des juridictions pour l’octroie de l’aide juridictionnelle aux justiciables partis dans un procès et désigne un avocat pour l’affaire en question7.

Par ailleurs, plusieurs ONG, organisations internationales ou issues de la société civile sont fortement mobilisées sur le terrain de l’accès à la justice au Liban. Leur travail se concentre la plupart du temps sur des activités de recherche, de conseil ou l’établissement de rapports mais également sur la représentation légale8. Certains cabinets d’avocats proposent également une assistance sur une base pro bono. Cependant ce n’est pas systématique.

 

Enjeux de l’aide juridictionnelle, pistes de réflexion

Malgré des avancées certaines dans le domaine de l’aide juridictionnelle et de l’accès à la justice au Liban, des pistes d’amélioration peuvent être esquissées. La condition du mérite pour l’octroie de l’aide juridictionnelle pourrait, par exemple, être modifiée pour ouvrir une possibilité d’appel de la décision, alors qu’elle en est, pour l’heure, exempte9. De nombreux rapports font également état de la qualité de l’aide juridictionnelle. Des avocats en formation sont souvent désignés pour traiter ces affaires. Le peu d’expérience de ces avocats associé à des lacunes dans leur formation ainsi que le manque de supervision affecte la qualité de la représentation et de l’aide juridictionnelles de leurs clients.

 

 

1 Article 426. L’aide juridictionnelle devra être octroyée au ressortissant de nationalité libanaise de même que les personnes qui résident au Liban ( étant entendu qu’ils bénéficient d’un droit similaire dans leur pays d’origine) s’ils ne peuvent s’affranchir des frais du procès. Une telle aide pourra être octroyée à titre exceptionnelle aux personnes ou associations à but non lucratif siégeant au Liban

2 En ce qui concerne les affaires criminelles, l’article 78 du code de procédure pénale. Pour les affaires civiles, le chapitre 7 du code de procédure civile

3 Article 425 du CPC, si un procès est intenté et que le défendant ne peut couvrir les dépenses engagées, il pourra faire une demande d’aide juridictionnelle

4 Article 425 – 427 du CPC

5 Article 427 du CPC. L’aide juridictionnelle peut être sollicitée dans le but d’intenter ou se défendre dans une affaire, elle peut également être demandée pour la première fois au cours d’un appels. La demande qui a lieu durant la période d’appel peut produire une suspension du recours jusqu’à notification au requérant.

6 Article 78 du CPP. Si le défendeur désigne un avocat pour assurer sa défense, le juge d’instruction ne peut procéder à ses investigations sans la présence de l’avocat et sa parfaite information des actes pris au cours de l’enquête exception faite des témoignages recueillis, à peine de nullité de l’interrogatoire et des mesures subséquentes. Si le défendeur n’est pas en mesure de désigner un avocat, le juge d’investigation devra en désigné un ou introduire une demande auprès du président de l’association du Barreau qui désignera un avocat.

7 L.XIX

8 Des associations telles que le CLDH, AJEM ou le Caritas Migrant Center

9 Article 430 du CPC


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