L’organisation juridictionnelle de la Jordanie
Le droit jordanien est issu de l’apport de différentes cultures judiciaires, soit des traditions civilistes et continentales. Inspiré par le droit ottoman, le droit égyptien et le droit islamique c’est toutefois la tradition romano-germanique qui prédomine au sein de ce système judiciaire mixte notamment du fait de l’apport du droit français.
Monarchie constitutionnelle, la Jordanie s’est dotée d’une Constitution le 1er janvier 1952. Celle-ci a été modifiée à trois reprises (et pour la dernière fois en janvier 1984). Elle énonce l’indépendance du pouvoir judiciaire, et son article 97 dispose que les juges ne sont « assujettis à aucune autorité hors celle de la loi ». Le roi les nomme et les révoque sous la surveillance du Conseil supérieur de la justice.
L’article 99 du texte constitutionnel présente trois juridictions : les cours civiles, religieuses et spéciales.
La justice tribale, interdite en 1972, joue encore un rôle important dans la résolution des conflits, elle est le plus souvent dispensée par des notables locaux qui soustraient parfois au pouvoir judiciaire des délits mineurs.
Les juridictions civiles :
Les juridictions civiles sont amenées à connaître les affaires civiles, criminelles et administratives. Elles sont constituées par une Cour Suprême ou Haute Cour de Justice, la Cour d’Appel, les tribunaux d’instance et les tribunaux de première instance.
La Cour Suprême ou Haute Cour de Justice :
La Cour suprême en tant que cour de cassation est la juridiction suprême de l’ordre judiciaire. Elle devient Haute Cour de Justice lorsqu’elle statue sur des recours contre des décisions administratives. Il existe ainsi un ordre judiciaire et un ordre juridictionnel administratif. Dans un rôle de tribunal des conflits, la Cour détermine quelle juridiction est compétente pour statuer en cas de conflit de compétences entre les deux ordres juridictionnels.
Au sommet de l’ordre judiciaire, la Cour de cassation connaît les appels des délits dans les affaires criminelles et tout jugement excédant 500 dinars jordaniens dans les affaires civiles. D’autres affaires peuvent également être acceptées en appel par un congé spécial accordé par le Président de la Cour.
Au sein de l’ordre juridictionnel administratif la Cour examine également les requêtes en habeas corpus (contre les détentions arbitraires) en tant que Haute Cour de Justice.
Cette juridiction suprême est composée de 15 juges au maximum, chaque affaire étant traitée par cinq juges.
La Cour d’Appel :
La Cour d’Appel constitue une juridiction de second degré qui traite tous les cas de recours des jugements des Tribunaux de Première Instance et des tribunaux d’instance. Elle peut réexaminer les faits.
Un comité de trois juges examine toutes les affaires soulevées en Cour d’Appel.
Les tribunaux d’instance :
Ces tribunaux sont compétents en matière pénale pour les délits et crimes mineurs dans lesquels la sentence ne dépasse pas deux ans. Ils traitent également les actions civiles pour lesquelles le montant ne dépasse pas 750 dinars jordaniens ainsi que les cas d’expulsion et de violation de propriété.
14 magistrats exercent au sein du tribunal d’instance d’Amman. La plupart des villes jordaniennes comprennent un tribunal d’instance composé de deux ou trois magistrats. Les affaires civiles et pénales devant ces tribunaux sont entendues par un juge unique.
Les tribunaux de Première Instance :
Les tribunaux de première instance sont compétents dans le jugement d’affaires pénales qui ne relèvent pas de la juridiction des tribunaux d’instance, et qui ne sont pas spécifiquement couvertes par les tribunaux spéciaux. Ils traitent ainsi des affaires civiles et comprennent toutes les affaires dont les dommages allégués dépassent 750 dinars jordaniens. Les tribunaux de première instance traitent également les appels dans les affaires pénales lorsque la peine prononcée est évaluée à une semaine ou moins.
Deux juges statuent sur les affaires pénales et un juge sur les affaires civiles. Les branches sont à Amman et dans plusieurs autres grandes villes.
Le Tribunal criminel :
Le Tribunal criminel est une juridiction de première instance établie sur un ensemble spécifique de condamnations pénales graves (définies comme crimes dont la peine est supérieure à trois ans) qui ne sont pas traités dans les Tribunaux militaires ou les Cours de sûreté de l’Etat. Les crimes jugés dans ce tribunal comprennent les cas d’homicide et de meurtre, ainsi que de viol et autres infractions sexuelles.
Les appels des jugements de ce tribunal se font directement auprès de la Cour de Cassation.
Il n’y a qu’un seul tribunal criminel jugeant de pareils crimes. Il se situe à Amman. Trois juges statuent en formation collégiale pour chaque affaire.
Les juridictions spéciales :
Cour de Sûreté de l’Etat :
La Cour de Sûreté de l’Etat est composée de juges militaires et civils. Son champ de compétence comprend ainsi les infractions contre la sécurité externe et interne de l’Etat. En clair, les cas de sédition, d’insurrection armée, de crimes financiers, de trafics de drogues ou d’atteinte à la famille royale sont jugés à la Cour de Sûreté de l’Etat. Les conclusions de ce tribunal peuvent faire l’objet d’un appel devant la Haute Cour de Justice.
Les tribunaux pour mineurs :
Les tribunaux pour mineurs traitent des infractions par les personnes âgées de moins de 18 ans. Le parent de l’enfant doit également être présent. Un enfant peut être envoyé à l’école de réforme s’il est jugé responsable d’actes répréhensibles. Fréquemment, cependant, un enfant est remis à la garde de ses parents sur un lien de bonne conduite. Si l’enfant commet une autre infraction, le parent est condamné à une amende à cause du régime de la responsabilité civile pour autrui.
Le Tribunal de Police :
Le Tribunal de Police traite les crimes commis par les officiers de police.
Les tribunaux de revendications territoriales :
Ces tribunaux sont compétents en matière de propriété des terres non enregistrées.
Le Tribunal sur l’impôt sur le revenu :
Ce tribunal d’exception traite les affaires entre personnes remettant en cause l’évaluation de l’expert qui détermine la valeur de leur propriété à des fins fiscales.
Le Tribunal des douanes :
Le tribunal des douanes traite des conflits impliquant des cotisations douanières. Une Cour d’appel pour les douanes a également été mise en place.
Les tribunaux religieux :
Les tribunaux religieux comprennent, d’une part, les tribunaux de la Charia, destinés aux musulmans, et qui appliquent la Charia au regard de l’article 106. D’autre part, les tribunaux des autres communautés religieuses qui, selon l’article 104 traitent des affaires qui concernent les non-musulmans. Autrement dit, le cas des autres groupes religieux, notamment les protestants, sont administrés par les tribunaux civils qui appliquent généralement le droit de la communauté religieuse la plus proche. Toutefois, pour les chrétiens, principalement les Grecs Orthodoxes, les Catholiques Romains et les Catholiques Arméniens, il existe divers conseils religieux traitant des cas similaires et impliquant les membres des communautés religieuses.
Ces tribunaux religieux connaissent deux degrés de juridiction : les tribunaux religieux de première instance et une juridiction d’appel.
Les tribunaux religieux ont compétence en matière de statut personnel, comprenant principalement le droit de la famille comme le mariage, le divorce, la garde d’enfants, l’adoption ou la tutelle. Les tribunaux religieux statuent également en matière d’héritage. Sous la loi jordanienne, la Charia doit être appliquée par toutes les cours concernant l’héritage. Ainsi, si la personne décédée est grecque orthodoxe, le tribunal grec orthodoxe se chargera de l’héritage mais appliquera la Charia.
Sources :
– Site officiel du ministère de la justice jordanien, http://www.moj.gov.jo/
– Projet Euromed Justice II, étude sur « Accès à la justice et aide judiciaire dans les pays partenaires méditerranéens, accessible sur l’url :
http://euromed-justiceii.eu/files/site/French_book_Study_Acces_to_Justice.pdf
– http://legiglobe.rf2d.org/jordanie/2016/03/25/