L’organisation juridictionnelle de la Syrie
Le droit syrien trouve ses origines dans le droit de l’Empire ottoman durant la période coloniale. L’organisation judiciaire syrienne s’appuie sur les traditions de droit civil européennes et arabes notamment égyptiennes et islamiques. La Constitution de 1973 comme celle de 2012 garantissent l’indépendance du pouvoir judiciaire.
L’article 50 de la Constitution de 2012 expose que tous les citoyens sont égaux devant la loi et que l’Etat de droit constitue le fondement du système de gouvernance syrien.
Enfin, la Constitution dispose que le ministère de la Justice supervise le système judiciaire et que le Président de la République, assisté du Conseil judiciaire suprême, est le garant de son indépendance.
L’ordre juridictionnel syrien comprend une Haute Cour constitutionnelle ainsi que quatre branches : les juridictions judiciaires, les juridictions administratives, les juridictions religieuses et les juridictions d’exception.
La Haute Cour Constitutionnelle :
La Haute Cour Constitutionnelle est la juridiction syrienne la plus élevée. Elle intervient dans le processus électoral en veillant au bon déroulement des élections. Elle intervient également dans la protection des droits fondamentaux garantis par la Constitution contre les abus du pouvoir. Autrement dit, elle examine la conformité des lois et décrets à la Constitution lorsque ceux-ci sont contestés par le Président de la République ou le Conseil du Peuple (Parlement).
Néanmoins, la Haute Cour Constitutionnelle ne peut discuter de la validité d’une loi lorsque celle-ci a été proposée par le Président et avalisée par référendum populaire.
Initialement composée d’un président et de quatre juges nommés par celui-ci pour un mandat de quatre ans renouvelables, la nouvelle constitution de 2012 en a modifié la composition en instituant 7 membres. Ses membres ne sont pas autorisés à cumuler une fonction ministérielle ou au sein de l’Assemblée du Peuple.
ORDRE JUDICIAIRE :
Les juridictions judiciaires comportent des tribunaux de première instance qui siègent à juge unique, des cours d’appel siégeant en formation collégiale de trois juges et une Cour de Cassation.
La Cour de Cassation :
Située à Damas, la Cour de Cassation représente la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire syrien. Son rôle est de contrôler l’exacte application du droit par les tribunaux et les cours d’appel, garantissant ainsi une interprétation uniforme de la loi. La Cour de Cassation comprend 4 chambres, chacune composée de trois juges, la chambre civile, la chambre pénale, la chambre militaire ainsi que la chambre religieuse.
La Cour d’Appel :
Les cours d’appel sont des juridictions de deuxième degré. Elles siègent en formation collégiale de trois juges. Elles réexaminent les affaires contestées jugées au sein des juridictions de premier degré. Elles se divisent en deux matières : civile et pénale. Les décisions rendues par ces cours d’appel peuvent être annulées par la Cour de cassation, juridiction suprême de l’ordre judiciaire.
Les inculpés ont droit à une représentation légale et peuvent bénéficier d’avocats nommés par les tribunaux.
La Syrie compte au total 30 cours d’appel.
Les juridictions du premier degré :
Les juridictions de premier degré comprennent 5 types de tribunaux.
Les Tribunaux de conciliation statuent à juge unique. La procédure est engagée aux seules fins de conciliation, privilégiant ainsi la recherche d’un accord, tout en restant dans un cadre judiciaire.
Le Tribunal de Première Instance, dont les litiges sont également traités par un juge unique, connaît en règle générale toutes les matières à l’exception de celles expressément attribuées aux autres tribunaux.
Le Tribunal pour enfants, spécialisé dans les affaires de crimes, contraventions ou délits commis par des mineurs, est constitué d’une formation à juge unique.
Le Tribunal des douanes, dont la compétence exclusive concerne les contentieux douaniers, statue à juge unique.
La Cour d’Assises est une juridiction de premier et dernier degré compétente pour juger des crimes et délits passibles de plus de trois ans d’emprisonnement. Elle est composée des magistrats de grade d’appel et ses décisions sont susceptibles d’un recours en cassation seulement.
ORDRE ADMINISTRATIF :
Les juridictions administratives sont compétentes pour juger des litiges entre l’Etat et les administrations. L’ordre administratif syrien s’est fortement inspiré du modèle égyptien. Il compte deux niveaux de juridiction, une juridiction de première instance et une juridiction d’appel : la Cour administrative suprême.
La Cour administrative suprême :
Mis en place par l’article 138 de la constitution, le Conseil d’Etat ou Majlis al-Dawla, constitue la plus haute juridiction de l’ordre administratif. Il est le juge administratif suprême qui tranche les litiges relatifs aux actes et décisions de l’administration. Le Conseil d’État a également pour mission de gérer l’ensemble de la juridiction administrative. En ce sens, on dit qu’il a une mission consultative et juridictionnelle. Le Conseil d’Etat est indépendant vis à vis des tribunaux ordinaires.
La Cour de justice administrative :
Juridiction administrative du second degré
Les Tribunaux administratifs :
Le Tribunal administratif résout les litiges opposant les personnes privées (particuliers, sociétés privées, associations…) à des collectivités publiques ou opposant des collectivités publiques entre elles. Il existe trois tribunaux administratifs en Syrie.
Les juridictions religieuses :
Il existe différents types de tribunaux religieux. Chacun des 14 gouvernorats comporte au moins un Tribunal religieux. Les décisions rendues par l’ensemble de ces tribunaux sont susceptibles de pourvoi en Cassation.
Les tribunaux islamiques (chariatiques) :
Les juridictions islamiques traitent des litiges en matière de statut personnel, de différends familiaux et en matière d’héritage entre musulmans syriens (sunnites et chiites) ou/et non syriens à condition que le pays de l’étranger concerné reconnaisse un statut personnel particulier pour les musulmans. Elles sont donc basées sur la Charia, la tradition, la sunna et les règles de l’Islam. Le juge islamique a la compétence d’un juge de droit commun.
Les tribunaux doctrinaux :
Les tribunaux doctrinaux sont constitués d’un juge appartenant à la minorité druze compétent pour juger de la conformité des décisions prises par les membres de cette communauté avec l’enseignement de la religion.
Les tribunaux spirituels :
Les tribunaux spirituels sont compétents pour tout ce qui concerne le statut personnel des non musulmans.
Les juridictions d’exceptions :
Les tribunaux militaires :
Les tribunaux militaires sont des tribunaux d’exception mis en place par le décret numéro 61 de 1950. Ils dépendent du Ministère de la Défense. Leur domaine de compétence relève donc d’affaires déférées par le Ministère de la Défense ainsi que le Procureur militaire. Les litiges peuvent mettre en cause des militaires, des membres de la police mais aussi des civils.
Les civils peuvent contester les décisions rendues par ce tribunal par la voie d’appel et ce, quel que soit le fondement de l’accusation à leur encontre. En revanche, les militaires ne peuvent utiliser ce recours qu’en cas d’accusation de trahison.
Les tribunaux militaires de campagne :
Instaurés par le décret numéro 109 de 1968, les tribunaux militaires de campagne peuvent être créés afin de juger des crimes commis en temps de guerre ou au cours d’opérations de combat. Ces cours spéciales ne sont soumises à aucune des procédures applicables aux autres juridictions militaires. En effet, le décret 109 prévoit la tenue d’audiences dans divers endroits. L’ensemble des jugements rendus par ces tribunaux n’est pas susceptible d’appel et doivent recevoir l’approbation du ministère de la Défense. La peine de mort doit, quant à elle, recevoir l’approbation du Président de la République.
Les tribunaux militaires ad hoc :
Etablis par le décret 87 de 1972, les tribunaux militaires ad hoc sont conçus pour juger des crimes commis par des militaires en Syrie ou à l’extérieur du pays. Ces tribunaux peuvent également être créés dans des circonstances exceptionnelles par le commandant en chef adjoint, un commandant de branche ou un commandant d’unité assiégée.
Le Tribunal Antiterroriste :
Le Tribunal antiterroriste est régi par la loi numéro 22 du 25 juillet 2012. Cette loi institue un Tribunal antiterroriste chargé d’appliquer la loi numéro 19 du 2 juillet 2012 dite Loi antiterroriste. Ce Tribunal est présidé par trois juges dont l’un est membre de l’armée.
Le Procureur peut saisir ce tribunal pour d’autres délits non liés au terrorisme au regard de l’article 3 de cette même loi.
Sources :
– Ministère de la justice syrien, http://www.moj.gov.sy/
–https://www.ofpra.gouv.fr/sites/default/files/atoms/files/1604_syr_le_systeme_judiciaire.pdf