L’organisation juridictionnelle de la Tunisie
Juridictions de l’ordre judiciaire
La Cour de cassation
C’est la plus haute instance du système judiciaire tunisien. La Cour de cassation a pris sa nomination, comme institution suprême, par le décret du 3 août 1956, à l’origine elle a été une simple chambre du tribunal de l’ouzara, depuis 1910 elle a pris la dénomination de commission des requêtes.
En matière civile : le recours en cassation n’est ouvert contre les décisions rendues en dernier ressort que dans sept cas déterminés par l’article 175 du code de procédure civile et commerciale dont notamment la violation de la loi, elle est compétente en matière de règlement de juges et de la prise à partie.
En matière pénale : d’après l’article 258 du code de procédure pénale ; la Cour est compétente pour connaître les pourvois en cassation contre les décisions rendues sur le fond et en dernier ressort, même exécutées, pour incompétence, excès de pouvoir ; violation ou fausse application de la loi.
Elle est compétente aussi en matière de règlement de juges et du renvoi d’un tribunal à un autre.
Elle statue, toutes chambres réunies, chaque fois qu’il s’agit d’assurer l’unité de la jurisprudence entre les différentes chambres ou en cas de faute grave, auxquels cas elle se compose du premier président, des présidents de chambre et du conseiller le plus ancien de chaque chambre et siège en présence du procureur général et d’un greffier.
Les cours d’appel
Dix cours d’appel existent actuellement en Tunisie. Elles ont actuellement leur siège à Tunis – Nabeul – Bizerte – Kef – Sousse – Monastir – Sfax – Gafsa – Gabès – Médenine. Chacune se compose de plusieurs chambres : civile, commerciale, correctionnelle, criminelle et chambre d’accusation. La cour d’appel siège toujours en formation collégiale pour connaitre des appels interjetés contre les jugements rendus en premier ressort par le tribunal de premier ressort par le tribunal de première instance. Ses décisions sont appelées « arrêts » et sont toujours rendues en dernier ressort.
En matière civile : La cour d’appel est compétente pour connaître de l’appel des jugements rendus en premier ressort par les tribunaux de première instance de sa circonscription ainsi que de l’appel des ordonnances de référé et des injonctions à payer rendues par les présidents des tribunaux de première instance.
En matière pénale : Elle connaît en dernier ressort sur appel, des délits jugés par le tribunal de première instance et des crimes jugés par le tribunal de première instance au siège d’une cour d’appel (l’article 126 du code de procédure pénale modifié par la loi n°2000-43 du 17 avril 2000 et l’article 103 du code de la protection de l’enfant modifié le 22 mai 2000).
Chaque cour d’appel comprend au moins une chambre d’accusation saisie par ordonnance de renvoi émie par le juge d’instruction, elle est compétente pour connaître des recours soulevés contre les ordonnances du juge d’instruction.
En matière administrative : la cour d’appel, en tant que tribunal de second degré, est compétente pour connaître des recours soulevés contre les décisions des organismes professionnels tel que l’ordre des avocats, ainsi que des recours contre les contraintes et certaines matières fiscales en tant que tribunal de premier degré.
Les tribunaux de première instance
Le tribunal de première instance comprend plusieurs chambres : chambre de statut personnel, chambre commercial, chambre criminelle, chambre correctionnelle et une ou plusieurs chambres civiles. Il existe 27 tribunaux de première instance répartis sur les différentes circonscriptions des cours d’appel, leurs circonscriptions territoriales sont fixées par la limite territoriale de chaque gouvernorat ou par un ensemble de délégations lorsqu’il existe plus d’un tribunal dans le même gouvernorat.
En matière civile : Le tribunal de première instance connaît en premier ressort de toutes les actions sauf dispositions contraires expresses de la loi. Il comprend pl
Il connaît en tant que juridiction d’appel des jugements rendus en premier ressort par les juges cantonaux de sa circonscription ou mal qualifiés en dernier ressort.
Le tribunal de première instance est compétent pour statuer sur les décisions des conseils de prud’hommes.
En matière pénale : Le tribunal de première instance connaît en premier ressort de tous les délits à l’exception de ceux qui sont de la compétence du juge cantonal.
Il connaît en dernier ressort en tant que juridiction d’appel des jugements des justices cantonales de son ressort.
Les conseils de Prud’hommes
Institués en 1939, les conseils de Prud’hommes ont été réorganisés par la loi du 4 novembre 1958 puis par le Code du travail du 30 avril 1966. Ils sont compétents pour les litiges opposant les patrons à leurs employés, ouvriers ou apprentis à l’occasion de l’exécution du contrat de travail et ceci quel que soit le montant de la demande. Leurs décisions sont rendues à charge d’appel devant la cour d’appel.
Le conseil des Prud’hommes est composé d’un magistrat professionnel, Président et de deux juges élus, l’un par un collège d’employeurs et l’autre par un collège de salariés. Le décret n°2010-1536 du 21 juin 2010 a prévu la création d’un conseil de Prud’hommes dans la circonscription territoriale de chaque tribunal de première instance sauf au tribunal de première instance de Tunis où sont créés trois Conseils de Prud’hommes.
Le tribunal cantonal
En matière civile : Le juge cantonal s’efforce de concilier les parties ; il connaît en premier ressort jusqu’à sept mille dinars, en matière civile, des actions personnelles ou mobilières, des actions en paiement ainsi que des affaires concernant les accidents de travail et les maladies professionnelles.
Il connaît également, dans les limites de sa compétence, des injonctions de payer et des ordonnances sur requête.
Il connaît seul en premier ressort :
1) Des demandes en pension alimentaire introduites à titre principal. Le jugement rendu en cette matière est exécutoire nonobstant appel ;
2) Des actions possessoires.
Il ne statue en référé que dans les cas ci-après :
1) En matière de saisie conservatoire, si la somme de la saisie ne dépasse pas sa compétence ;
2) En matière de constats urgents ;
3) En matière de difficultés nées à l’occasion de l’exécution des décisions qu’il a rendues, même infirmées en appel ;
4) En matière de sursis à l’exécution des jugements qu’il a rendus lorsqu’ils sont frappés de tierces oppositions ;
Il est compétent pour statuer en dernier ressort en matière d’adoption et des affaires du contentieux fiscal.
En matière pénale : Le juge cantonal connaît en dernier ressort des contraventions.
Il connaît en premier ressort :
1) Des délits punis d’une peine d’emprisonnement n’excédant pas une année ou d’une peine d’amende n’excédant pas mille dinars.
Toutefois, le tribunal de première instance demeure exceptionnellement compétent en ce qui concerne les délits de blessures et d’incendie involontaires.
2) Des délits dont la connaissance lui est attribuée par un texte spécial.
En différentes matières : Il délivre les actes du décès et les certificats de nationalité, il reçoit le serment des agents de douanes, compétents en matière de saisie-arrêt et cession sur salaire, de l’opposition des contrats de cautionnement, de signature des livres de l’état civil, de l’ordonnancement d’exécution des décisions d’arbitrage relevant de sa compétence.
Le tribunal immobilier
Appelé à l’origine « tribunal mixte immobilier », institué par l’article 33 de la loi du 1 juillet 1885 relative à la propriété foncière. Il n’a porté sa dénomination actuelle comme “tribunal immobilier de Tunisie” que par le décret du 19 février 1957.
Son ressort s’étend à l’ensemble du territoire de la République. Il siège avec trois magistrats mais ce nombre est réduit à un juge unique en matière d’immatriculation obligatoire si aucune opposition n’a été faite à la demande d’immatriculation.
Le tribunal immobilier est compétent pour statuer en matière de :
- Mise à jour des titres fonciers
- Immatriculation foncière avec ces deux branches : facultative par les requêtes des particuliers et obligatoire par le recensement cadastral sur toute l’étendue du territoire de la République
- Demandes de révision et de rectification des jugements
Recours contre les décisions des commissions régionales de mise à jour des titres ou des décisions du conservateur de la propriété foncière.
Juridictions de l’ordre administratif
Les juridictions administratives sont prévues par la constitution dans le cadre d’un conseil de l’Etat qui comprend : le tribunal administratif et la Cour des comptes.
Le tribunal administratif
Le tribunal administratif est organisé par la loi n° 72-40 du 1 juin 1972 complétée et modifiée à plusieurs reprises. Il est rattaché, administrativement, au premier ministère et son siège est à Tunis.
Le tribunal administratif a compétence pour statuer sur les litiges mettant en cause l’administration et les pourvois pour excès de pouvoir tendant à l’annulation des actes des autorités administratives centrales, régionales et locales, des collectivités publiques locales et des établissements publics à caractère administratif. Il a un rôle de conseil pour l’administration.
La Cour des comptes
La Cour des comptes est organisée par la loi n° 1968 – 8 du 8 mars 1968 complétée et modifiée à plusieurs reprises. Elle est rattachée, administrativement, au premier ministère et son siège est à Tunis.
La Cour des comptes a compétence pour examiner les comptes et la gestion de l’état des collectivités locales, des établissements publics a caractère industriel et commercial ainsi que tous organismes quelle que soit leur dénomination dans lesquels l’état, les régions et les communes détiennent une participation à leur capital.
La Cour de discipline financière est créée par la loi n° 85-74 du 20 juillet 1985 qui a compétence pour juger les auteurs des fautes de gestion commises à l’égard de l’Etat, des établissements publics à caractère administratif ou des collectivités locales.
Sources :
– Code de procédure pénale de Tunisie
– Les juridictions judiciaires, site du ministère de la Justice
– Le système judiciaire, site du ministère de la Justice
– Mohamed Charfi, Introduction à l’étude du droit , Sud Editions Tunis, 2011